Le couteau en inox de Maria D.

Paris 20. Porte de Vincennes

C’est un objet qui me tient à cœur, qui m’évoque plein de souvenirs. II me rappelle ma maman. Je l’ai emporté quand je me suis mariée et que j’ai quitté la maison familiale. C’est mon petit objet pour moi, et je m’en sers depuis près de 56 ans. Il est rangé dans un tiroir que j’ouvre presque tous les jours, je le vois donc très souvent.

Couteau

C’est un couteau avec une lame courte, en acier inoxydable, et avec une inscription « inox ». Le manche en bois est usé par le temps, et devait être d’une teinte un peu plus claire à l’origine. 
Il est solide avec trois rivets métalliques en laiton doré. C’est un objet très simple qui tient bien dans la main.

Je ne sais pas à quoi il était censé servir au départ. Moi, je l’utilise maintenant comme couteau à huître, une à deux fois par an ; mais quand j’étais enfant, il servait à ouvrir les boîtes de conserve. 

J’avais trouvé ma façon, un truc à moi pour ouvrir les boîtes de conserve en moins de deux mouvements avec ce couteau. Les autres membres de la famille n’y arrivaient pas.

Ouvre boite à roulette

Plus tard il y a eu l’ouvre-boîte à roulette, mais moi j’ai continué avec ça. J’avais pris l’habitude, et encore aujourd’hui, si je dois ouvrir une boîte qui n’a pas de languette, je l’utilise, de toute façon je n’ai pas autre chose.

Ce couteau a été acheté au marché aux puces de la Porte de Vanves, à Paris, quand j’étais enfant. Je devais avoir 11-12 ans, c’était peu de temps après notre arrivée en France.

Nous habitions alors à Châtillon-sous-Bagneux et on allait aux Puces le week-end avec mes parents, pour nous promener. On achetait plein de trucs et encore aujourd’hui j’aime aller dans les foires.

Je suis peut-être celle de ma famille qui aime le plus ça. Cette ambiance, avec les animations, les manèges, les bonbons… Il y avait des barbes à papa, des pommes d’amour et des sachets de pralines.

Manège de fête foraine
Manèges dans une fête foraine à Cascais, Portugal, 1957. Photo de Gérard Castello-Lopes.

Les foires et fêtes de village, c’était notre univers : mes parents étaient forains, au Portugal. 

A l’époque, dans les années 1950, mes grands-parents fabriquaient des confiseries et ma grand-mère allait les vendre avec sa charrette à la sortie des écoles, en ville et sur les marchés.

Mon grand-père est décédé vers l’âge de 50 ans, j’était alors enfant, et c’est mon père qui a alors aidé ma grand-mère pour fabriquer ces sucreries. C’est devenu par la suite le travail de mes parents.

Je revois encore mon père avec la bassine en cuivre et sa cuillère en bois où il faisait fondre le sucre : il l’étalait sur la pierre en marbre puis il prenait un rouleau et il tirait, avec ses bras, fort, fort, fort, jusqu’à ce que le sucre d’orge s’étire et soit bien formé. C’était très physique. Quand je vois aujourd’hui ces trucs en métal qui s’étirent tout seul, ça me rappelle papa qui faisait ça à la seule force de ses bras. C’était dur.

Mon papa a aujourd’hui 90 ans, et malgré les difficultés et la dureté de la vie, il est resté fort et il a encore toute sa vivacité.


En savoir plus sur le photographe Gérard Castello-Lopez

Gérard Castello-Lopes (1925-2011) est un photographe qui a partagé sa vie entre le Portugal et la France. Il est l’un des représentants de la photographie humaniste au Portugal qui a émergé dans les années 1950.

lien vers la Fondation Calouste Gulbenkian, qui a organisée une exposition de photos de Gérard Castello-Lopez, et propose un très beau catalogue issu de cette exposition: https://gulbenkian.pt/paris/agenda/apparitions/

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